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Populisme?

Unknown-2Denis Olivennes est un homme de goût. La preuve, il est marié avec Inés de la Fressange, piquante aristote longiligne qui dessine Parisiennes et feuilles de chêne comme personne. Mais je m'égare, comme disait Saint Lazare (désolée, mais au 24 ème jour de confinement, j'ai droit à l'automatisme douteux, au moins un par chronique...). Revenons à Olivennes. Il fut jadis militant gauchiste, il est désormais un patron qu'on peut qualifier de grand, tant il nage dans des eaux médiatico-stratégiques internationales. Tout ça pour vous dire que le 2 avril, il poste le tweet suivant:

"Je crains le populisme d’après la crise. La mondialisation coupable de la circulation des épidémies, le neo-libéralisme qui aurait ruiné nos systèmes publics de santé, les élites scientifiques, administratives et politiques supposées incapables et opaques : il va surfer !"

imagesPopulisme. Le mot est lâché, et il s'accompagne, j'imagine, de  l'impression d'avoir dit un truc intelligent. Populisme! Que voilà un joli fourre-tout! On est dans l'à peu près, à la louche, au doigt mouillé, façon grosso modo, ça fait un peu plus je vous le mets quand même, tout ça.... Qu'on en vienne à s'éloigner de la politique dite respectable, des chapelles autoproclamées "centre", "modération", "consensus" et on chuterait ipso facto dans un gouffre ignominieux, un gloubiboulga de démagogie, de simplisme, de haine et de rejet, où tout se confond. Une dangereuse marmite où mijoterait la fin de la démocratie.

Unknown-3Parler de populisme, c'est se donner un air objectif, neutre, ni de droite ni de gauche. Dénué de toute idéologie. C'est renvoyer dos-à-dos ce qu'il est convenu d'appeler les "extrêmes". L'idée, c'est que ces extrêmes se rejoignent. Extrême droite et extrême gauche, ça serait kif-kif. Fachos et gauchos, du pareil au même. Tous "populistes". Emballez, c'est pesé. Ça m'évoque un vieux dicton rural qui disait (avec l'accent du sud-ouest, s'il vous plait, autrement ça le fait moins) : "cochon ou pigeon, c'est tout de la volaille". Même niveau de finesse dans l'observation, d'acuité dans l'analyse.

Extrême droite et extrême gauche, c'est censé être à l'opposé, donc ça se rejoint. Étrange principe de cause à effet. Le chaud le froid, le sec et le mouillé, le vivant et le mort, Annapurna et Adriatique, pôle et équateur, eau et feu, ça revient au même. Pour combattre un incendie, un bon parapluie suffit. Pour faire de la plongée sous marine, se munir d'un piolet et de crampons.  Voilà, voilà, tout dans la rigueur, comme on voit.

Que deux orateurs parlent fort permettrait de conclure qu'ils disent la même chose? De confondre la forme et le fond? Les paroles et la musique?

Les deux figures associées au populisme dans la France d'aujourd'hui sont Mélenchon et LePen, renvoyés dos-à-dos, de l'autre côté du raisonnable, du démocratique, du respectueux. Regardons y de plus près.

Oublions les individus, centrons nous sur les idées, sur les prises de positions, sur les histoires respectives de ces deux familles politiques. Pour aller vite, petit tour non exhaustif, à grands traits, et sans oublier qu'on trouve ici, comme partout ailleurs, des tendances, des variations, des lignes générales:

Unknown-4A l'extrême droite on est catholique, nationaliste, on valorise les familles nombreuses si elles sont françaises. On fut colonialiste (Algérie Française!). On chante du JeanPax Mefret. On rejette le divorce, l'amour libre, l'homosexualité, l'avortement. On estime que les étrangers n'apportent que des problèmes. On fut antisémite, on le reste. Comme on reste raciste. On adore les frontières. On est pour la peine de mort et le tout sécuritaire. On ne remet pas en cause le capitalisme dans les faits.

images-2A l'extrême gauche, on s'inscrit dans les traditions du mouvement ouvrier. On est  anticolonialiste. On chante l'Inter, on rejette le capitalisme, on valorise le collectif, les services publics, les nationalisations, l'enseignement non religieux. On est internationaliste, on rejette les frontières. On est pour l'accueil des migrants, la régularisation des sans papiers. L'humanisation des prisons. L'amour libre. On approuve les droits au divorce, à l'avortement, au mariage homo.

A l'extrême gauche, on rejette des institutions et des groupes d'intérêt (Église, armée, grand patronat..). On rejette les privilèges.

A l'extrême droite on rejette des groupes humains, façon boucs émissaires (juifs, étrangers, homos...). On justifie les privilèges.

Ça revient au même?

Ouvrir les frontières et les fermer, ça revient au même?

Être pour ou contre l'avortement, ça revient au même?

Accueillir les migrants ou les laisser se noyer, ça revient au même?

Ne pas sombrer pour autant dans une idéalisation ankylosante. Il y a, à l'extrême gauche comme partout, des manipulateurs, des démago et des menteurs. Comme partout, absolument partout, y compris dans les partis les plus majoritaires.

Ce ne sont pas les questions, parfaitement légitimes, qu'il convient de remettre en cause,

Ce sont les réponses qu'il convient de comparer.

Alors:

- ... mondialisation coupable de la circulation des épidémies?

- ...neo-libéralisme qui aurait ruiné nos systèmes publics de santé? 

- ...élites scientifiques, administratives et politiques supposées incapables et opaques?

On peut poser les mêmes questions et leur trouver des réponses opposées. C'est même ça qui permet de faire la différence.

Unknown-6"Je crains le populisme d’après la crise: il va surfer !"

Tout amalgamer dans le mot "populisme", et ainsi délégitimer à l'avance toute contestation du Jupitérisme ambiant est beaucoup plus simple.

Et y a des Olivennes et quelques autres que tout le monde connait, qui commencèrent leur parcours à l'extrême gauche et qui surfent depuis longtemps sur une vague qui est à l'honnêteté intellectuelle ce que Gérard Larcher est au patinage artistique...

09
Avr 20


Populisme?


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Espace commentaire

Sylvie VACHER - Le 09/04/2020 à 16:57

Merci de rappeler les bases. Et Larcher en tutu ça vaut le détour sûrement. Du sud-ouest où ma grand-mère disait : "cochon, dindon c'est tout de la volaille"/

Isabelle Alonso - Le 09/04/2020 à 17:01

Oui, Larcher qui a parait-il convaincu Macron de maintenir le premier tour des élections... Ça vaut bien de lui coller un tutu. Je n'ai pas trouvé de pachyderme en patins... Du Sud-Ouest côté Bayonne....



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