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Noms d'oiseaux

Émission du 3 octobre 2005. Peaux d’animaux et noms d’oiseaux...


En dernier invité (les sujets ne sont pas enregistrés dans l’ordre de la diffusion), nous recevons Nicolas Biscaye, président de l’Afipa, association de défense des animaux. Le sujet du jour dénonce le fait qu’en France, malgré la législation, on peut acheter des manteaux faits avec de la fourrure d’animaux protégés, et également des manteaux en peaux de chiens et de chats importés, alors même que cette importation est interdite. La séquence commence par une caméra cachée démontrant qu’effectivement, pour acheter de la fourrure illégale à Paris, il suffit de demander ! Rien de plus facile. C’est effectivement scandaleux. Il ne se trouvera personne sur le plateau pour dire le contraire.


Le principe de l’émission est de confronter, de préférence sur un ton ludique, des points de vue opposés. Il se trouve que sur ce sujet précis, tout le monde est d’accord, et nous accueillons Nicolas Biscaye avec sympathie, est-il besoin de le préciser. Il dit ce qu’il est venu dire. Il le dit avec cette précision qu’ont parfois les militants très au fait de la question qu’ils traitent, (références hyper exactes des textes de lois à l’alinéa près, nom exact, en latin, des espèces concernées...) mais sans trouver les mots très simples qui permettent au béotien de comprendre.


Laurent reformule donc ses questions, pour que tout soit bien clair. Il s’agit de l’importation de chat et chiens venus de l’étranger (quid des chats et chiens français ?) et des animaux protégés (lesquels, et pourquoi ?). Nicolas Biscaye répète exactement les mêmes phrases avec ce que je perçois comme un début d’agacement. Bon. C’est le genre d’invité qui fait ramer l’interviewer. En vieux routier de l’exercice, Laurent allège l’ambiance en affirmant qu’il faut effectivement appliquer la loi, qu’il n’a pas envie que son chien devienne un manteau...


La parole nous est ensuite donnée, à nous autres chroniqueurs. J’ai, comme les autres, reçu un dossier la veille au soir. Je sais qu’on ne risque pas de s’engueuler sur un sujet aussi évidemment consensuel. Ni même de polémiquer. J’ai donc préparé des questions d’ordre plus général. Christophe Alévêque commence. Il dit (je résume de mémoire) que bien entendu il partage l’opinion de Monsieur Biscaye, mais qu’il a du mal à se mobiliser complètement sur ce sujet... Puis c’est mon tour. Je dis que peut être Christophe ne se sent pas plus concerné parce que la cause elle même est complexe, manque apparemment de cohérence, et qu’il n’est donc pas simple de se situer.


Je me pose la question des droits que nous nous octroyons, nous autres humains, sur les animaux en général. Je ne crois pas être la seule à réfléchir sur ce très vaste et très grave sujet, et je suppose (j’espère !) que tous les défenseurs des animaux font de même. J’ai en effet du mal à ne pas aller au bout de mes raisonnements, et je me retrouve dans une contradiction permanente. Pour moi, la souffrance animale est une et indivisible. Or nous vivons dans un système qui interdit certaines pratiques et en autorise d’autres de manière, me semble t’il, parfaitement aléatoire. Ainsi :




Si j’étais cohérente avec moi même (je reconnais ne pas l’être) je cesserais de manger de la viande, et je cesserais tout autant de porter du cuir. Mais voilà. J’adore la charcuterie, et mes pieds adorent le cuir. Je nage dans la contradiction. Je ne suis pas la seule. Et je suis prête à parier que dans les assoces de défense des animaux, ces questions là, on se les pose aussi.


Evidemment, tuer des animaux protégés est un crime. Une fois qu’on a affirmé ce principe, on doit pouvoir continuer à se poser des questions, non ? C’est au tour de Jean Benguigui de parler. Il ne dit pas qu’il approuve le trafic, il ne dit pas qu’il achète des manteaux interdits. Mais il dit que la fourrure c’est beau, c’est sensuel, que ça lui plait. Il dit qu’il trouve très sexy une femme dans un manteau de fourrure.


Réponse lapidaire de Nicolas Biscaye, apparemment imperméable au principe même de discussion : « Ça fait pétasse ». Ça fait pétasse ? Voilà qui fait désordre dans la bouche d’un président d’association. Quel est le sens de cette phrase ? Que si ça faisait classe, ça serait acceptable ? Qu’il est encore une fois plus facile, face à un trafic criminel et illégal engendrant d’énormes profits, de passer par la case « insulte aux gonzesses » ? Le sang de Caroline Diament ne fait qu’un tour, à juste titre, me semble t-il. Elle lui dit que cette phrase est hors de propos, que ce n’est pas de cette manière qu’on défend la cause animale. Je suis d’accord avec elle. Et je suis d’accord avec Benguigui. Par principe, je ne porterai ni n’achèterai un manteau de fourrure. Mais moi aussi je trouve ça magnifiquement beau.


A partir de ce moment, le sujet part en vrille. On ne sait plus trop de quoi on parle... Ça commence à vanner dans tous les sens. Laurent est saisi par un fou rire. Le fou rire, on ne sait jamais d’où ça vient au juste. Mais c’est communicatif. Annie Lemoine, Jean Benguigui, et, je crois, Christophe Alévêque n’arrivent plus à parler. Moi, ça va. Un fou rire ne se décrète pas plus qu’il ne se contrôle. C’est tombé sur Nicolas Biscaye, comme c’est tombé sur d’autres. Ça arrive. Ça peut être désagréable pour l’invité, j’en conviens. Mais ça ne veut pas dire qu’on se moque de lui. Et l’essentiel est fait : la dénonciation à une heure de grande écoute du scandale des fourrures illégales.


Je tente, Nicolas Biscaye peut en témoigner, de continuer le débat. Je lui pose une question : « dans la mesure où la SPA est obligée d’euthanasier des animaux quotidiennement, ne serait-il pas possible d’utiliser la peau de ces animaux là, qui sont tués de toute façon, pour faire des vêtements qui combleraient le désir de fourrure sans mettre en danger des animaux protégés ? ». La réponse se perd dans le brouhaha général. Caroline, remontée, demande à Nicolas Biscaye, s’il fait aussi des choses pour les humains. A quoi je réponds moi même que s’occuper d’une assoce est déjà un boulot énorme.... Nicolas Biscaye est quand même ulcéré.


Puis Philippe Vandel lui demande s’il est végétarien, s’il porte du cuir sur lui. La question n’a rien d’absurde. Nicolas Biscaye est végétarien, mais porte des baskets en cuir... Lui aussi, comme nous tous, vit dans une certaine contradiction. Peut-on le dire ? La suite prouvera que non. L’émission prend fin. Nicolas Biscaye quitte le plateau. Il a l’air plus que vexé. Il est offensé sur le plan personnel, par l’ambiance de rigolade qu’il a suscitée à son corps défendant, et parce qu’il a été confronté à des questions décalées du sujet qu’il avait préparé. Soit. Mais ses idées n’ont à aucun moment été contestées.


Le soir, je regarde l’émission. L’enregistrement de l’émission a duré deux heures. La diffusion, quarante cinq minutes à cinquante minutes. Entre les deux, montage. Et là, j’avoue que j’ai moi même été un tantinet déconcertée. Nous sommes dans une émission de divertissement. Les personnes chargées du montage ont dû en déduire que quand ça rigole, c’est bon, en tout cas mieux que quand ça rigole pas. Elles ont oublié un détail d’importance : il faut que le spectateur puisse comprendre pourquoi on rit. Ce n’est pas le cas. Le sujet a été monté de telle manière que la majorité de la première partie, avant le fou rire, a sauté. Subsiste le départ en vrille, avec la deuxième série de questions apparemment déconnectées, et un Nicolas Biscaye dépité. « Ça fait pétasse » a été coupé. On ne comprend pas ce qui se passe.


Certains téléspectateurs en ont tiré des conclusions quelque peu hâtives sur notre mépris supposé de la cause animale. Je reçois depuis lundi des mails d’injures. Je ne suis pas la seule. Idem pour Caroline Diament. Le forum de l ‘émission, sur France2, est submergé de fils de discussion nous envoyant tous collectivement nous faire voir ailleurs (dans le meilleur des cas) ou connaître les sorts peu enviables réservés aux animaux torturés.... Les propos sont déformés, les chroniqueurs insultés, l’émission en totalité vouée aux gémonies.... Mazette ! Rancunier, Nicolas ?


« Faire de la télé », comme on dit, est parfois très instructif. Si je ne savais pas ce qu’est un lobby en état de marche, maintenant je le sais. Si je ne savais pas ce qu’est une dérive intégriste, maintenant je le sais.


Nicolas Biscaye n’a pas été traité avec la courtoisie qu’il était en droit d’attendre. C’est vrai. Ce n’était intentionnel de la part de personne. C’est vrai aussi.


Nicolas Biscaye a eu la parole. Il a dit ce qu’il avait à dire. Il s’est senti offensé, mais en aucun cas sa cause, parfaitement légitime, ne l’a été. Elle a été respectée, illustrée et défendue par nous tous.


Y a t-il vraiment de quoi fouetter un chat (oups) ? De quoi susciter une telle levée de boucliers, comme si quelque chose d’impardonnable, de scandaleux avait eu lieu ? Le débat sur le traitement que notre culture réserve aux animaux est un grand, un vrai débat de société. Débattre, c’est échanger des points de vue. Eventuellement dans la rigolade. En tout cas dans le respect Le recours à l’insulte, à des citations fausses ou tronquées n’est jamais légitime.


On ne défend pas une cause en insultant des gens qui ne sont pas des adversaires. Débattre ? J’accepte avec grand plaisir. Être insultée ? Je ne l’accepte pas, parce que c’est inacceptable.


C’est la raison pour laquelle je ne répondrai pas à la rédactrice du mail suivant, que j’ai choisi comme simple exemple (avec orthographe telle quelle), de ce que j’ai reçu depuis lundi :


« Message : Dans 4 ans serez vous encore plus stupide ou vous allez vous arrêtez là ? Il y a environ 4 ans, au temps ou l’émission étaient diffusée tous les 15 jours, un porte parole de la SPA vous avez expliquez que on ne compare pas les horreurs faites par l’homme que ce soit envers des animaux ou envers des humains, mais que ces horreurs s’additionnaient. A priori bien que vous soyez brune votre cerveau fonctionne comme celui d’une blonde par exemple celui de Diament ,vous savez celle qui essaie de passer pour une intelligente, mais qui n’y arrive pas ; Moi quand je vous entends vous exprimer j ’ai terriblement peur d’être associée à vous et vraiment ca ne me convient pas alors par pitié que vous soyez démago stupide et crétine personnellement je n ’y vois aucun inconvénient mais si vous pouviez réserver vos prises de position au cercle très fermé de la gauche caviar ca serait beaucoup mieux ; PS POUR INFO JE NE SUIS PAS UNE PETEUSE DE DROITE . AU PLAISIR DE NE JAMAIS PLUS VOUS ENTENDRE BOYCOTT DE ON A TOUT ESSAYE »


Je réponds en revanche volontiers, parce qu’il est formulé courtoisement, au message suivant, provenant du président de la spa :


« Nous venons d’avoir Philippe Vandel au téléphone concernant votre intervention d’hier soir lorsque vous affirmez au sujet de la SPA « qu’est-ce que ca peut faire puisque la SPA euthanasie tous les jours des centaines d’animaux » ; il nous a conseillé de vous adresser ce mail afin que vous puissiez vous-même comprendre notre souhait et que vous apportiez vous-même un rectificatif.


Nous déplorons que vous ignoriez l’action de la SPA et tenons à vous faire savoir qu’elle sauve chaque jour des centaines d’animaux dans ses structures où sont accueillis chaque année 45 000 animaux -dans ses 58 refuges-.


A la SPA, si euthanasie il y a, il s’agit d’une euthanasie d’ordre médical pour le respect de l’animal ou une euthanasie pour des animaux dangereux. Une confusion existe entre la fourrière et la SPA. La responsabilité des Pouvoirs Publics ou des municipalités de gérer leurs fourrières ne doit pas rejaillir sur la SPA. Les animaux que nous recueillons sont mis à l’adoption et si certains sont très rapidement adoptés, d’autres peuvent rester des mois voire des années sans être euthanasiés.


Pour votre info, le commerce animalier est très lucratif et chaque année en France nait un million de chiots. Nous ne parlerons pas des chiens et des chats élevés en batterie dans certains pays européens et qui arrivent également sur le marché français.


Nous sommes persuadés que vous n’êtes nullement défavorable à l’action de défense animale que nous menons et nous vous remercions au cours de votre prochaine intervention d’apporter ce rectificatif afin qu’il ne subsiste aucune confusion pour les millions de téléspectateurs qui suivent quotidiennement votre émission.


Nous tenons à féliciter toute l’équipe pour le sujet sur la fourrure traitée au cours de l’émission d’hier soir ; si ce commerce peut sembler pour un certain public dérisoire, croyez bien que votre émission a sensibilisé de nombreuses personnes. Si elles ignoraient auparavant qu’elles achetaient de la fourrure, désormais elles ont pris conscience qu’elles pouvaient acquérir des peaux de chiens ou de chats, c’est-à-dire de la vraie fourrure et non de la fausse fourrure.


Pour cela nous remercions votre émission d’avoir invité Nicolas Biscaye qui a mené une enquête extrêmement importante pour dénoncer un commerce de misère générant des souffrances pour les animaux sauvages ou domestiques.


Cordialement.


Dr Serge Belais Président de la SPA »


Monsieur :


Vous mettez entre guillemets, ce qui est le signe d’une citation exacte, des mots que je n’ai pas prononcés :


« qu’est-ce que ca peut faire puisque la SPA euthanasie tous les jours des centaines d’animaux ».


Je n’ai pas dit « qu’est ce que ça peut faire » ! J’ai juste, comme mentionné plus haut, formulé une question qui est peut être naïve ou incompétente, mais en aucun cas le signe d’un quelconque je m’en foutisme à ce sujet. Je n’ai à aucun moment remis en cause votre action. Pour la simple raison que j’en suis tout a fait solidaire.


En revanche vous avez parfaitement raison au sujet du fait que j’ai fait l’amalgame entre SPA et fourrière. J’ai vu des émissions sur l’adoption d’animaux abandonnés et je me souviens avoir entendu à maintes reprises qu’un animal non adopté courait le risque d’être euthanasié. Et j’ai cru que c’était quelqu’un de la spa qui disait cela. Etait-ce une responsable de fourrière ? Je ne sais pas, et il est vrai que lundi j’ai parlé de spa. Veuillez accepter mes excuses pour cette erreur. Même si, à mon sens, un tel amalgame n’a rien d’insultant. Quand bien même cette euthanasie serait pratiquée par vous comme elle l’est par les fourrières, je ne vous jetterais pas la pierre. Je ne sais pas si, devant l’ampleur du phénomène d’abandon des animaux, les fourrières ont vraiment le choix. J’ai conscience, en dehors de cette confusion dont je peux comprendre qu’elle vous heurte et que je ne ferai plus, que ma question est sans doute typique de quelqu’un qui manque d’info sur le sujet. Mais elle n’est en rien une remise en cause de votre action.


Je ne vois donc pas quel rectificatif, et au nom de quoi, je devrais apporter au sujet de ma solidarité avec votre cause. Je n’ai pas à me justifier. J’ai, a chaque fois que j’en ai eu l’occasion, affirmé ma solidarité avec tous ceux qui luttent contre la souffrance animale.


Mais pour autant, je ne me sens, et ne me sentirai jamais, quelle que soit la cause, solidaire de celles et ceux qui préfèrent l’insulte à la discussion.


J’ai été insultée a plusieurs reprises par des personnes dont j’espère qu’elles n’appartiennent pas à votre association. Oserai-je vous demander de vous désolidariser de ces dérives ?


Solidairement vôtre,

06
Oct 05


Noms d'oiseaux


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