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Mon Europe à moi

L’Europe ? Comme j’ai aimé l’idée ! Le mythe d’Europe a pourtant tout pour me déplaire. Rappelons que la nymphe Europe fut enlevée et violée par Zeus, déguisé en taureau pour les besoins de la cause. Rien que ça. Avoir pour mythe fondateur une vision du masculin-féminin soumettant une jeune innocente kidnappée à un fauve tout puissant soumis à des pulsions stausskhaniennes jette une lumière particulière sur les violences et les abus jalonnant l’Histoire de notre vieux continent.

Il n’empêche que je me sens européenne jusqu’à la moëlle et pendant des années, de référendum en référendum, j’ai voté oui à ce projet génial, oui à la monnaie unique, au passeport pareil et à la disparition des gabelous. Oui à la fusion de ma double identité hispano-française dans un cocktail bigarré et magnifique qui me ferait sentir chez moi de Glasgow à Corfou et de Faro à Turku. Faire miens les clochers sous la neige scandinave, les phares de l’Atlantique, les tours de guet face à l’Afrique, les moulins crétois et les canaux bataves. Home, sweet home, en robe à volants, en béret basque, en kilt ou en culotte de peau. Enfin une patrie à la mesure d’un continent, avec plein d’histoires enchevêtrées, de chansons hors d’âge et de folklores tenaces. J’étais contente, ravie de ma chance de vivre à une époque qui réunit plutôt qu’à une qui déchire. Étais-je naïve, ou simplette ? Les deux, faut croire…


Toute à ma joie de la levée des frontières et des lendemains qui chantent, j’ai voté sans en avoir conscience pour un projet ultra-libéral avancé, comprenant l’anéantissement des services publics, la dérèglementation financière et la sur-règlementation administrative, les intérêts privés prenant le pas sur l’intérêt général, les rêves dilués dans la paperasse. Au fil des années, j’ai compris que les fondateurs-concepteurs de cette incroyable usine à gaz qu’est devenue la CEE (le sigle, déjà, annonçait la bureaucratie triomphante…) étaient des marchands plus soucieux des profits de leur caste que de notre destin commun,.. Pour imaginer l’Europe, il fallait faire passer les visionnaires, les poètes, les rêveurs, avant les épiciers et les comptables.


Au lieu de la belle union, voilà que “le couple franco-allemand” fait la loi. Mais d’où sort ce concept ? De la loi du plus fort ? Qui fait le taureau et qui la nymphe dans cette affaire ? Et que deviennent les autres ? Des sous-fifres ? Des obligés ? Des spectateurs passifs de la morgue Sarko-Merkelienne ? Avec la “crise” (comprenez les effets de la politique dont le couple a concocté chaque engrenage avec une foi imbécile en une auto-régulation des marchés dont on voit le résultat), on commence à se regarder de travers entre voisins. Apparaissent des expressions comme “P.I.G.S” ou “pays du ClubMed”, véhiculant le mépris ancestral du nordique pour le méditerranéen. On voit Merkel et Sarko, clin d’oeil amusé et sourire complice, s’envoyer des vannes aux dépens de la Grèce, Papandréou humilié publiquement, et les adhérents récents traités comme quantité négligeable. On en vient à se regarder de travers entre pays voisins. Le feignant, le traître, c’est toujours l’autre. Pour une Europe qui devait en finir avec les nationalismes porteurs de guerre, le résultat est affligeant.


Non, je n’ai pas, je n’ai jamais voté pour ça. J’ai voté pour qu’on ne fasse aucune différence entre un Européen et un autre, en attendant le jour béni où on ne fera pas de différence entre un Terrien et un autre. J’ai voté pour que les spéculateurs, escrocs légaux, soient traités comme ce qu’ils sont : des délinquants cyniques. Pas pour qu’un couple gélatineux d’autosatisfaction et pétrifié d’incompétence nous mette à genoux devant les fantoches chinois et les requins de la finance. Pas pour qu’on nous martèle à longueur de temps qu’il n’y a “pas d’autre politique possible”. Foutaises. Il y a toujours d’autres politiques possibles. Mettre fin à l’évasion fiscale et supprimer pour de bon les paradis fiscaux, qu’on ne nous fasse pas croire que c’est impossible. Récupérer ce qui nous appartient, ça serait un bon début…


iA !

01
Nov 11


Mon Europe à moi


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Espace commentaire

cyberic - Le 05/03/2012 à 07:17

J'ai bien aimé cet texte mais la fin m'étonne, que la non Europe politique sois exaspérante je le ressens aussi.. mais n'est-ce pas un peu facile de condamner ainsi Sarkozy et Merkel?


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