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La guerre en touriste

"La misère, c'est beau, quand c'est bien fait. Bien fait pour eux!"(Coluche).


imagesLe doc mentionné dans le texte précédent, je l'ai vu, donc. Le soir de la Saint Valentin, 14 février, à 22h25, je me pose devant France5. Ça s'intitule "Dix jours dans la guerre d'Espagne", il a été réalisé par Patrick Jeudy et dure 55 mn. Ça m'intéresse, évidemment. Comme un petit moment partagé avec mes parents, avec leur cadre de vie, avec leur jeunesse. Je twitte mon "intérêt inextinguible pour un rêve fracassé".


Au générique de fin, je suis énervée. Irritée. Une fois de plus, une fois encore. Clichés, approximations, falsifications délibérées.


Comment écrit-on l'Histoire? Ce sont les dominants, les vainqueurs, qui l'écrivent, la mettent à leur sauce pour se justifier ou simplement se valoriser. On le sait. Par quels mécanismes, certains minuscules, l'Histoire qui se transmet peut-elle dévier jusqu'à trahir? Comment se construit le révisionnisme? Ce documentaire en fournit un exemple.


Le doc est disponible sur la toile. Je me dis que ma sensibilité au sujet me conduit peut être à surinterpréter. Je décide de le revoir, immédiatement. Et mon agacement ne fait qu'augmenter. Je décide de le visionner, en détail, je prends des notes.


images-4Sujet : le séjour en Espagne de Joseph Kessel, qui voulait voir la guerre. Kessel, j'en sais qu'on le surnommait le Lion, qu'il était l'oncle de Druon, qu'ils ont écrit ensemble les paroles du Chant des Partisans, (ami entends tu le vol noir des corbeaux, tout ça, plutôt bon signe, donc...) Un mâle alpha d'avant-guerre, de ceux qu'on appelait des aventuriers, catégorie un peu fourre-tout, riche en écrivains, en figures mythiques, en mythomanes, ou les trois à la fois... Il écrit sur les héros parce qu'il veut en être un, d'accord, mais cela n'empêche pas de le percevoir comme étant du côté de la démocratie, de la résistance au fascisme, de la légalité républicaine.


On sait à quel point le son, paroles et musique, posé sur les images peut en changer le sens et la portée. Difficile ici également de faire la part, dans le commentaire qui accompagne les images d'époque, de ce qui provient des notes mêmes de Kessel ou de l'interprétation qu'en fait le documentariste. Tout ici est sujet à caution.


Unknown-1Nous sommes en octobre 1938. Contexte historique: en juillet 1936, des généraux d'extrême droite provoquent un coup d'État contre le gouvernement républicain issu des urnes. Des pans entiers de l'Armée se soulèvent. Lee dirigeants républicains se retrouvent dans une situation impossible: ceux qui sont censés défendre l'ordre public et la légalité sont précisément ceux qui l'attaquent. Hitler et Mussolini ont commencé à soutenir très efficacement les factieux depuis bien avant le coup d'État. Après vingt sept mois de combats, de destructions, de privations, le pays est exsangue. Plus de deux ans, c'est vite dit, mais c'est long à vivre. Ça va durer encore six mois. Kessel va en vivre dix jours.


J'ai noté en italiques le commentaire, tel que retranscrit, avec mention, en chiffres, des minutes et secondes où il se situe, et entre parenthèses, l'image accompagnant la phrase citée.


Mes commentaires ont été intercalés au fur et à mesure, en caractères droits.


0:19 Octobre 1938, quelque part en Espagne, déjà plus de 2 ans que ces fantômes hantent notre quotidien plus de 2 ans que les visages apeurés des femmes, que les larmes des enfants s'invitent à la une des journaux et sur les écrans de cinéma. Deux ans et plus qu'ils sont pour tous un remord vivant. Eux, ce sont les damnés du drame de la guerre en Espagne, une guerre civile qui déchire le peuple espagnol. Soldats du général Franco contre les Républicains au pouvoir à Madrid, et qui va durer trois ans.


En tant que fille d'un homme et d'une femme qui vécurent cette guerre, j'ai toujours un mouvement de recul quand j'entends des mots comme "fantômes", "damnés" pour qualifier des gens. La déshumanisation, même inconsciente, commence là, quand la personne est réduite à ce qui lui arrive. Quand on commence à ne plus voir des êtres, mais des cas. C'est encore comme ça aujourd'hui, quand on parle des "migrants", façon d'oublier que ce sont juste des gens comme tout le monde, comme vous et moi. Que le "malheur" qui les frappe ne doit pas les réduire au substantif "malheureux". Non qu'ils ne le soient pas, mais ils ne sont pas que ça.


hitler-time_man_of_year_19381:30 Le 29 septembre 1938, à Munich, le Reich allemand signe un traité de paix avec l'Angleterre et la France. De ce côté de l'Europe tout le monde est soulagé. Mais depuis 1936 c'est en Espagne qu'Hitler se prépare à la guerre. L'Allemagne y teste son matériel et ses hommes aux côtés des assaillants franquistes.


1:53 Face à Franco Hitler et Mussolini, des Russes, des Anglo-Saxons et des Français se sont mobilisés au sein des Brigades internationales pour ce qui va être la répétition générale de la seconde guerre mondiale. (Actu de l'époque: "L'inhumaine guerre d'Espagne se poursuit ..".)  


Redoutable parallélisme qui semble mettre sur un plan d'équivalence l'aide d'État, massive, d'Hitler et Mussolini, et les initiatives individuelles des Brigadistes Internationaux. L'aide soviétique fut réelle, mais sans commune mesure avec ce que reçurent les franquistes. L'Union Soviétique n'est pas encore la super puissance qu'elle va devenir. Dans les années 30 elle en est à la survie.


Entrée en scène de Kessel:


2:10 Quotidiennement les actualités filmées égrènent les heures tragiques de la guerre, le siège de Madrid, les batailles de Tolède, Guadalajara et Teruel. Un homme n'est pas indifférent à ces images de misère qui lui rappellent que son absence là-bas, en Espagne, est une faute.


2:29 Cet homme, c'est Joseph Kessel, on l'appelle Jeff, un des plus grands reporters des années 30.


2:43 Mais contrairement à Malraux, Hemingway et Capa, les fantômes de la guerre, il ne les a pas vus. Alors lorsque Pierre Lazareff le patron de Paris Soir lui fait un pont d'or pour y aller, Kessel n'hésite pas, il va pouvoir vivre dans cette Espagne en flammes les émotions fortes qu'il devine derrière les titres des journaux :"la bataille fait rage, reportage sensationnel".  Depuis 10 ans, Kessel a vécu si vite son existence (casino, roulette), qu'il a raté le conflit espagnol. Il vient d'avoir 40 ans, il est né, d'une famille russe établie en Argentine, en 1898. Sa vie c'est l'aventure et à travers elle, le journalisme. C'est aussi un romancier en vogue dont l'inspiration prend racine dans tous les tourments des années 20 et 30 et dont il a fait son petit théâtre. Chine, Djibouti, Aden, Berlin, Moscou, ses héros naissent des conflits qui enflamment le monde. Kessel fait équipe avec un photographe chargé de mettre ses textes en  images, Jean Moral.


4:09 Le reportage doit faire l'évènement car l'opinion publique  est fatiguée de cette guerre qui s'éternise. Kessel a carte blanche pour ranimer cette époque enflammée et barbare (images de train, Orleans, Limoges, Toulouse) .


4:50 Le 21 octobre 38 Kessel et son photographe arrivent au terminus de la ligne.


Le décor est planté, pour dix jours. Rappelez vous: le pays endure depuis plus de deux ans la furie destructrice de sa propre armée, assistée par Hitler en personne.


JOUR 1

4:58 Ils pénètrent en territoire espagnol par le petit village de La Junquera, Catalogne. Depuis quelques mois, des files de réfugiés se bousculent au poste frontière du Perthus, et l'hémorragie s'aggrave, les malheureux finissent enfermés dans des camps près de la frontière.

Terminologie, encore. Le mot "hémorragie", phénomène pathologique, pour désigner des humains. On mentionne un courant désincarné, des réfugiés, des malheureux. Cette distance permet de considérer qu'ils sont différents, peuvent supporter l'insupportable.

5:20 Kessel s'étonne, la veille il déjeunait dans un restaurant de Toulouse mais ce matin il n'a pas trouvé un café à boire ou une voiture à louer  tout semble faire défaut de ce côté là de la frontière, moissons (images agricoles)

Ça alors! Il suffit de passer la frontière d'un pays en guerre pour que tout change! Etonnant en effet ! Un quart d'heure avant sa mort, il était encore en vie disait La Palice... Même plus de voitures à louer ! On peut sourire de cet angle. L'oeil est  vraiment extérieur, voire naïf.

5:45 Et faute de mieux c'est dans un car rempli de Gardes Civils qu'il s'enfonce en cette terre républicaine en direction de Barcelone, à une centaine de kilomètres. Dans les champs qu'ils traversent, seuls les vieillards les femmes et les enfants travaillent, tous les hommes sont partis à la guerre depuis aout 1936, et les femmes ont pris les choses en main...

Bien vu, Joseph! Quand les hommes sont absents, "seuls" restent les femmes les vieux et les enfants, soit les cinq sixièmes de la population. Une majorité, donc... Mais bon, toute seule, la majorité !

6:29 A l'approche de Gérone, Kessel s'est assoupi, et il n'a pas vu la ville en ruines.

Jeff, faudra pas venir te plaindre que t'as pas vu la guerre si tu t'endors pendant les attractions!

Peu avant Barcelone, soudain, le hurlement obsédant d'une sirène, des éclaireurs préviennent les voyageurs qu'un bombardement est en cours au dessus de la ville, c'est comme ça tous les soirs explique le chauffeur.

6:57 Au loin la ville s'embrase, pilonnée par l'aviation italienne basée chez Franco  Il faut plus d'une heure au car tous feux éteints pour faire les 4 km qui les séparent de Barcelone. L'obscurité est totale, la ville soudainement morte.

7:22 Barcelone est un cimetière géant, une ville de 3 millions d'âmes changée en catacombe, voilà ce que Kessel écrit dans son premier article. Le titre? "La guerre est à côté"

7:40 Il parle de l'Espagne sous les bombes, des immeubles incendiés, et de ses habitants martyrisés par deux ans et demi de guerre. Les deux journalistes sont installés à l'hotel le Gran Colon, ils découvrent Barcelone dans la guerre, frappés par la faim dont souffre la population.

Brigadistes, brigadeEn 1938, les franquistes contrôlent depuis longtemps les zones agraires et les sources d'approvisionnement. Affamer le pays est une arme comme une autre. Franco, depuis le début, s'attaque au peuple, à la population civile que ceux de son camp appellent "la chusma", la racaille.

8:04 Dans les files d'attente qui s'allongent devant les rares magasins encore ouverts, les gens sont résignés, les visages tirés par la faim, les mêmes enfants mal nourris, les mêmes vêtements ternes et râpés. Hommes, femmes, enfants, sont d'une maigreur épouvantable. Une pauvreté morne et une discipline austère  8:35 la ration de pain d'un habitant a été réduite à 100 grammes par jour. Dans ce pays en guerre, la nourriture disponible est essentiellement est réservée aux combattants, pour eux, le vin, le pain blanc abondent et le riz qui emplit les assiette est odorant.

Je ne souris plus: mon père était dans l'armée à cette époque et dans cette région. Non, pas de riz odorant, de pain blanc et de vin à volonté. Non. La pénurie est générale, même dans l'armée, même si on peut supposer que les combattants sont évidemment prioritaires en temps de guerre. Pourquoi prétendre qu'on mange bien dans l'Armée Républicaine alors que c'est faux ? Pour jeter une ombre sur les dirigeants ? En n'hésitant pas, pour ce faire, à mentir ?

8:49 Le sentiment que les chefs républicains sacrifient la population qui, elle, peut bien crever de faim

C'est un fait, ou juste un "sentiment"? Voilà les "chefs républicains" soupçonnés de sacrifier la population. Rien que ça. Rappelons que la population est sacrifiée par les Putschistes, pas par les Républicains. Il y a des trafics? Oui. Comme toujours dans ce contexte. Mais imputables aux autorités ? Il faudrait le démontrer plutôt que le suggérer. Question d'honnêteté intellectuelle.

8:58 mais aucun signe de rébellion n'est visible, c'est la guerre, soupirent les femmes qui piétinent devant les centres de distribution, nous n'y pouvons rien, la guerre.....

On glisse un peu plus loin. La guerre, une fatalité ?  Non. Une volonté délibérée des agresseurs. Dans le cas qui nous occupe, si rébellion il y avait, gageons qu'elle se dirigerait contre les franquistes, instigateurs de la tragédie. Pas contre la République, conquise par le peuple lors d'élections régulières.

9:12 Beaucoup d'enfants ont été évacués, souvent vers la France, soit par bateau, soit par les postes frontière des Pyrénées des enfants sans parents, morts dans les combats ou de maladie et qui vont remplir les orphelinats. Mais il faut aussi faire face à des malheureux qui par millions ont quitté les zones de combat, de Galice, des Asturies, du Pays Basque, pour gagner les régions qui résistent et des orphelins par milliers, des réfugiés des parties de l'espagne conquises par ceux qui ne sont pas encore les vainqueurs mais s'apprêtent à poser leur botte sur toute la péninsule (image insupportable d'un petit garçon écrasé de chagrin essuyant ses larmes avec un mouchoir et toute la dignité dont il est capable)

Des orphelins par milliers, des familles détruites, le malheur partout. Une seule cause: le soulèvement, est-il besoin de le dire.

9:40 Barcelone est passée de 1,2 m à 3 millions d'habitants Ce sont autant des personnes à loger et de bouches à nourrir.

JOUR 2

10:00  Il se gardera bien de l'écrire mais le romancier qu'est Joseph Kessel est déçu, réfugiés et sans abris, marché noir, ce spectacle n'est pas celui qu'il attendait. Il a été correspondant de guerre en Éthiopie et sa vision de l'Histoire en marche est très romanesque, faite de passion, de cruauté, et d'épopée il avait imaginé des chefs de bande querelleurs et assoiffés de sang, des ouvriers hurlant en tirant des canons, des miliciennes en salopette armes au poing, fanatiques et échevelées. Il pensait vivre la terreur, les explosions l'atroce!  Disparues les héroïnes des barricades des premiers combats enfouies dans sa mémoire.

Déçu, déçu! C'est pas ça qu'il attendait, c'est pas ça qu'il cherchait. Il voulait du glorieux, du tragique, de l'esthétique, la guerre, quoi, la belle, la  vraie, qui suscite les légendes et les épopées, merde! Et que voit-il? De la misère, de pauvres gens qui survivent comme ils peuvent. Pfff... Bien la peine de se casser le cul à traverser le pays sur des routes impossibles ! Mais Jeff, si c'est des fanatiques, des cruels, des fous de la gâchette que tu cherchais, tu t'es trompé de côté !

10:53 Nulle part il trouve ces hommes d'aventure qui l'ont toujours fascinés seuls les enfants jouent au soldats sur les restes des barricades détruites (à l'image, les enfants ne jouent pas, ils déblaient pour de vrai) Non, cette guerre, il ne la voit pas encore (à l'image, les rues bouchées, protégées par ce qui est peut être des sac de sacs de sable, ou des briques, pour lui, c'est pas la guerre, juste un décor sans signification).

images-511:30 C'est le manque de cigarettes qui lui fait vraiment comprendre qu'il est dans une ville en guerre, tout le monde est en quête de tabac, on ramasse les mégots, on se livre au troc. A Barcelone, un paquet de tabac s'échange contre du savon, des oeufs, et quelques légumes, Kessel voit sa provision de cigarettes réduite à rien.

C'est bien simple, si y'avait des clopes, la guerre, même pas on la verrait! Déçu, déçu!

11:51A quelques kilomètres de là, sur l'Ebre, près de Lérida, les deux armées ennemies  s'affrontent, les Républicains y lancent une charge désespérée pour contrer l'avancée franquiste.

12:10 Faute de la voir, cette guerre, il l'imagine et il nous la raconte (images du front, explosions, corps projetés, puis claviers de Remington en action) Chaque soir il consigne en vrac ses impressions et il écrit déjà les légendes des photographies de Jean Moral.

Ça a la mérite d'être clair: ce qu'il ne voit pas, il va l'inventer!

Au fait, quand il écrit les "légendes" dans quel sens exactement devons nous comprendre le mot?

12:27 Moral n'est pas un reporter comme les autres, A Paris, ou NewYork c'est un photographe de mode dont les images tranchent avec les clichés compassés de l'époque c'est un artiste novateur qui déshabille la femme et l'installe dans la rue, (images d'élégantes parisiennes..)

13:20 C'est au bar de l'ancien Ritz de Barcelone que les correspondants de guerre se retrouvent, une rumeur fait le tour du comptoir, une offensive franquiste sur Madrid serait en cours Kessel écoute Robert Capa lui raconter l'histoire de son cliché du milicien fauché par une balle pas sûr qu'il dise la vérité, tout comme Hemingway qui entre deux cuites évoque avec Kessel son prochain roman inspiré de la guerre civile et de ses personnages de légende.

Ça aussi, c'est clair: Deux dandies en goguette cherchent la guerre au bar du Ritz. Au passage un scud pour Capa-le-mytho et Hemingway-l'alcolo, de la part du type qui s'apprête à raconter ce qu'il ne voit pas. Avec un zeste de second degré, on finit par trouver ça marrant...

13:27 Ensemble ils font le tour de la nuit (à l'image, des danseuses en très petite tenue)  hauts fonctionnaires et hommes d'affaire se pressent dans les lieux de plaisir. Des profiteurs qui attendent que la République s'effondre pour faire affaire avec Franco (encore des danseuse, un peu moins habillées), accompagnés de jeunes et jolies femmes qui se vendent pour un plat de lentilles. (à l'image une prostituée dans une chambre enlève ses bas, tire sur une clope)

Jeff cherche, donc, la grandeur et la noblesse. Pas sûr qu'il le fait au bon endroit.

JOUR 3

14:03 Ici, la vie continue, on travaille, non par patriotisme, pour subsister, tout simplement, on lave on coud, on déblaie les ruines, en échange d'un peu de jambon, de pain ou d'huile on fait du troc. L'essence est rationnée, l'électricité récalcitrante et la nuit la moitié de la ville est dans le noir (à l'écran des cireurs de chaussures en pleine action)

Non par patriotisme? Et qu'est ce qu'il en sait? La population, justement, défend becs et ongles la République, qu'elle a choisie, élue. Comment le peuple résisterait-il depuis plus de deux ans au déploiement de force nazi, sinon parce qu'il défend de toute son énergie des valeurs essentielles? Patriotisme n'est pas le mot qui convient dans ce contexte. Les gens tiennent à la République comme à la prunelle de leurs yeux. A la liberté, l'éducation, la culture, des valeurs si précieuses qu'elles leur permettent de résister à l'agression dont ils sont victimes.

14:39 Malgré ça les cafés de Barcelone font recette en servant une mauvais orangeade trafiquée et du café insipide. Le long des paseos une jeunesse magnifique déambule et les filles nonchalantes, taille cambrée, les yeux fardés observent les promeneurs.

images-6Berk! Pas bonne, l'orangeade, insipide, le café! Après seulement deux ans de guerre! Déçus, encore! Au bout de 14 minutes, cliché obligatoire: ici, les femmes, évidemment nonchalantes (on est dans le Sud), ont la taille cambrée et les yeux fardés. Carmen n'est pas loin, y olé!

15:00 (alerte aérienne dans la rue, tout le monde court)  Tous les jours avant midi un mugissement trouble la vie quotidienne des habitants de cette ville égorgée. Cela fait deux ans que le même scénario se répète, regards inquiets tournés vers le ciel, les habitants habitués à une discipline stricte se dirigent vers les abris les premiers avec calme, à la hâte pour les retardataires (une voiture à haut parleur prévient: "Atencion, atencion")

Les images me brisent le coeur à chaque fois, j'en ai pourtant beaucoup vu. Éternité de la loi du plus fort, du plus brutal, du plus assassin, de Franco, Mussolini et Hitler, à Daesh. Les mêmes. Il commence à la voir, là, la guerre ?

15:54 Dans les caves ou dans le métro, des milliers d'habitants retrouvent leur paillasse, comme des clochards cette ville de 3 millions d'âme s'est changée en catacombe comme figée dans la guerre. Bombardés, affamés, comment font-ils pour supporter cette guerre sans se révolter?  (à l'image des petites filles dans un abri) Une apathie généralisée (grand mère avec bébé) à quoi sert de se battre se disent-ils (jeunes filles, homme, enfant allongés sous des couvertures)

Comme des "clochards" ? Ou comme des gens bombardés tous les jours depuis deux ans ? Comment font-ils pour supporter? Et bien, Jeff, ils n'ont pas le choix, tout simplement. Ils n'ont pas une chance de prendre l'avion comme tu vas le faire dans quelques jours avec tes jolies questions. Apathie? Se battre les mains vides contre des bombes qui tombent des avions, tu dois savoir comment on fait, toi, mais eux, ils savent juste jouer au clochard souterrain, c'est ballot ! Apathie? Et toi Jeff, où est ton empathie? Regard extérieur, non impliqué.

16:30 Quand le bombardement a atteint sa cible on relève les victimes (cadavres déchiquetés d'enfants, d'adultes) un tableau du désastre, nuques rompues, thorax défoncés, les morts du jour sont jetés dans la charette aux cadavres qui passe dès le dernier avion parti.

Notons qu'à ce moment là, il n'a toujours pas vu la guerre, Jeff. Et non, on ne "jette" pas les cadavres. En ville, on identifie, on enterre, comme on peut, avec dignité, pendant toute la guerre.

16:55 Et la journée reprend on fouille les décombres on colmate on reconstruit, mais ça Kessel ne l'a pas encore vu car depuis 3 jours le bombardement de midi n'a pas eu lieu laissant un peu de répit aux habitants (on voit passer un cercueil)

Déjà, à Gérone, il dormait. Là, il a toujours pas vu! Il a vraiment pas de bol! Mais c'est à ce moment là du doc, qu'on glisse vers autre chose. Le dandy, le touriste, l'esthète enfile les habits du révisionniste.

17:20 À l'automne 1938 c'est à Barcelone le retour de la célébration de la messe du dimanche, un parfum de leur vie d'avant pour les espagnols car depuis 1936 la République a chassé les prêtres, elle les a massacrés, fusillés, et ce sans aucun procès. On a mis le feu aux églises et dévasté les couvents un fanatisme qui répondait aux exactions franquistes. Mais les choses ont changé.

images-2Non, la République n'a ni chassé ni jugé les prêtres. Elle avait instauré la liberté de culte et la laïcité, à la française. Elle avait aussi supprimé la peine de mort. L'Église n'a pas supporté de voir contestés ses privilèges d'un autre âge. Oui, il y eut des curés tués, des églises incendiées. Ce ne fut pas le fait de la "République" mais d'éléments incontrôlés considérés comme des délinquants par les pouvoirs publics et les églises furent protégées. Dès le début de l'insurrection, la hiérarchie de l'Église prit fait et cause pour Franco, bénit les armes qui s'attaquaient aux populations civiles et resta un pilier du franquisme.

On assiste ici, et je n'avais pas conscience que ça avait commencé si tôt, à une manipulation de l'Histoire.

JOUR 4

17:48 Ce dimanche 23 octobre 1938  Kessel et Moral assistent aux premières obsèques religieuses depuis le début de la guerre (un crucifix). Au passage des prêtres portant haut la croix du Christ la foule hésite, s'observe, silencieuse  (à l'image, les poings se lèvent au passage du cortège) les regards se croisent les poings se lèvent et tous saluent le passage du corbillard. Barcelone la ville ouvrière communiste et anarchiste a accepté ses contradictions. La foi est autant enracinée dans leur coeur que leur patriotisme  (des poings, encore des poings, des hommes se découvrent)

Encore le mot "patriotisme", qui ne veut rien dire dans ce contexte. A l'image, on voit des poings levés et des croix. "Accepter ses contradictions"? Ou simplement, pour les Républicains, respecter la liberté de pensée?

18:45 Le 25 octobre Kessel rejoint la ville de Poblet (camion sur une route) a quelques km de Barcelone pour un hommage aux Brigades Internationales. Il est accompagné de Jean Moral et de Robert Capa. Moins de 600 hommes rescapés des combats aux côtés des Républicains antifascistes (des jeunes filles, des roses, des accolades) ils venaient des ÉtatsUnis, de France, du Canada, d'Angleterre, d'Autriche, portaient le noms de héros de la Révolution Russe, d'égéries de la Commune de Paris, et ils sont morts par milliers. Pour eux, l'aventure est terminée (bus, hommes en marche, je crois reconnaitre la Pasionaria 19:29) Mais Kessel décèle un malaise, il devine de l'ingratitude, un soulagement non dit de les voir partir (drapeaux, fanions, embrassades, sourires de femmes et de jeunes gens) et de se trouver enfin entre espagnols capables de mener leur guerre seuls.

images-1Ici, la manipulation devient mensonge. Énorme. Dégueulasse, même. Il "devine de l'ingratitude"? Il la "devine"? A partir de quoi? Pour les Républicains, le départ des Brigades fut un déchirement, qui les laissa inconsolables. Les gens pleuraient de les voir partir. Ma propre tante y assista, avec des jeunes filles de son âge, et elles n'oublièrent jamais leur rage, ce jour là, de devoir se passer de la formidable solidarité de Internationaux. La reconnaissance pour ces combattants est restée vivante, une flamme, dans le coeur de ceux qui connurent l'époque.

19:47 Ont-ils oublié ce qu'ils leur doivent? Peut être l'Espagne n'en pouvait plus de leur en être reconnaissante. (trains, foules qui saluent les combattants)

Là je mange mon chapeau. Les Républicains essayèrent désespérément de sortir de leur isolement, d'obtenir enfin de l'aide des démocraties, Angleterre et France, engluées dans la non intervention qui servit si bien Hitler... La guerre, il ne la voit pas, notre Jeff, mais il discerne la volonté des Espagnols de se garder leur guerre pour eux. Il est fort, il est fort....Rappelons au passage que ce ne fut jamais une guerre "entre espagnols", puisque Franco, et son camp auto dénommé "Nationales" utilisa dès le début des mercenaires marocains et l'aide massive allemande et italienne.

JOUR 5

20:05 Le soir même Kessel a la confirmation que l'offensive franquiste sur Madrid est imminente il veut en être pour ne pas rater ce qui sera la dénouement de la guerre.

Il est au cinoche, le mec, veut pas rater la fin du film, ça rattrapera peut être la déception offerte par cette guerre invisible ! Ou au restau, veut pas louper le dessert!

Il faut partir. Le seul moyen de contourner les lignes franquistes est de prendre un navire pour Valence puis de rejoindre Madrid par la route. Dans la journée le bureau de presse du gouvernement conduit le journaliste français au port.

20:36 Le port, à l'origine haut en couleur et plein de vie est désormais un véritable cimetière. Bateaux coulés et quais dévastés. Le Yardbrook (?) est un cargo anglais sans doute le plus vieux rafiot encore en service ( un enfant bien habillé monte à bord) une centaine de civils et leur maigre bagage attend pour franchir la passerelle.

20:58 On est le 26 octobre, Kessel n'est en Espagne que depuis cinq jours (carte indiquant le parcours Barcelone Madrid via Valence) Le capitaine veut gagner le large avant le bombardement du soir il a mis son salon à la disposition des journalistes mais 118 passagers sont en fond de cale (gens entassés ). 21:45 Le vent se met à souffler, la mer est mauvaise, le bateau plonge et plonge encore dans des creux de 8 à 10 mètres.

Presque tous les passagers ont le mal de mer (femmes, enfants, assis, malades)

22:13 Jean Moral, le photographe, est cloué sur sa couchette. Lorsque qu'il retrouve ses esprits il saisit son appareil, voici ses images.

22:40  Lendemain matin l'angoisse se lit sur les visages fatigués la peur aussi car les avions franquistes ont le droit de bombarder les bateaux qui entrent dans le port

J'ai bien entendu "droit"? Mais le droit, les franquistes s'en tamponnent depuis le début! Qui a choisi ce terme? Kessel ? Le documentariste ?

Alors le capitaine augmente la vitesse, les moteurs sont chauffés à blanc, sept noeuds, le bateau vibre et menace de se disloquer ... (hommes blessés, béquilles, mouettes)

23:16 Le voyage a duré une quarantaine d'heures (civils descendant à quai, bébés...) les journalistes parcourent à pied les 4 km qui les séparent de Valence.

Wow! A pied! Quatre kilomètres! Il la voit toujours pas, la guerre, Jeff ? Pourtant, il donne dans l'héroïque, là !

Un quart d'heure plus tard le port croule sous les flammes. Les journaux de Madrid annonceront le lendemain que le port de Valence a été bombardé, et qu'il y a de nombreuses victimes dont les passagers d'un cargo.

Pour que l'histoire soit plus belle Kessel se persuade que c'est le Yardbrook qui a été coulé et qu'il est, lui, le survivant de sa dernière traversée.

Ah, ok, l'épopée, non seulement elle était sur le bateau mais Jeff lui tenait compagnie! On suppose que la minutieuse description de la tempête (phénomène naturel ne devant rien à la guerre) est destinée à faire comprendre qu'il a risqué gros ! Le héros a eu le mal de mer ! Il a peut être même failli vomir ! On frémit...

JOUR 6

24:30 (à l'image, femme, sourire, collier, branche d'oranger feuilles et fruits) Valence apparait comme un véritable Eldorado aux yeux des journalistes épuisés (à l'image, d'improbables  danseuses de flamenco plus andalouses que levantines, les images semblent tournées au Sacromonte de Grenade, pas à Valence) la population y est vive et gaie et les fruits et le vin abondent, la guerre semble absente les habitants ne montrent rien de leur souffrance, une façon de jouir à fond de l'instant présent (retour a des images plus locales) Face au danger doit-on s'arrêter de rire de flâner au soleil et de boire un café en terrasse?

Unknown-1Finies apathie et résignation, remplacée par la joie de vivre. Plus qu'une chronique de la guerre, c'en est une des états d'âme de Jeff. La guerre semble absente ? Décidément, elle se dérobe! A cette époque, Valence est régulièrement bombardée, rappelons le.

24:34 Le lendemain ils cherchent à rejoindre Madrid. Il n'y a plus de frontière mais une succession de fronts le trajet est risqué car l'ennemi est partout les passagers s'entassent à bord d'un vieux camion poussif rempli de carabiniers et Jean Moral peine à caser son matériel photographique en plus de ses appareils il transporte la pellicule et des centaines de lampes au magnésium. C'est grace à la notoriété de Jeff qu'une place leur a été faite, on ne peut rien refuser à ce célèbre journaliste. (images de moisson à la main, de berger avec ses moutons)

25:25 L'infini, le paysage absorbent les passagers, les hameaux aux vieilles façades trouées d'obus, les églises mutilées. Les ornières de la route secouent le convoi tantôt assommé de soleil, tantôt fouetté par le vent et la pluie, ils ont 400 km de plaines et de monts à parcourir,  ils manquent de sommeil et ils ont les membres rompus.

Fatigant, la guerre, on est tout ankylosé....

Chacun livre à l'autre un peu de lui même, le chauffeur est cueilleur d'olive et il a fait la guerre en Andalousie, à Madrid et au Levant, il a 20 ans et déjà 3 blessures qu'il arbore comme autant de médailles. L'officier de liaison est imprimeur, un autre est avocat, il est aujourd'hui brancardier. Ces hommes ont survécu (26:19, à l'image, deux garçonnets à calot sur la tête bravent l'objectif du regard) à tous les combats. Les villages qu'ils traversent sont autant de citadelles assiégées où les habitants s'enferment. Lorsque les camions surgissent les enfants leur courent après et ramassent la nourriture qu'on leur lance car le ravitaillement est inexistant ils se nourrissent de leurs maigres cultures.

26:50. On leur achète du raisin des oeufs de l'huile et des tomates. Pour quelques cigarettes des bouteilles sortent de la cave. C'est un dimanche de grand soleil. Timidement d'abord puis ouvertement les jeunes filles s'enhardissent puis osent un sourire elles rougissent de confusion cachées derrière leur mère de pauvres femmes pleines de noblesse malgré leur visage abîmé par l'angoisse. (à l'image des visages jeunes , pleins, souriants )

27:35 En Espagne, la mort tutoie la vie.

Alors qu'ailleurs, elle la vouvoie ! L'Espagne, c'est comme ça !

27:44 Le camion n'est  plus loin de Madrid. Le long d'un front invisible ils croisent carcasses et voitures carbonisées qui rappellent à tous que la guerre est là.  La route appartient aux militaires, ceux qui partent en permission ou ceux qui transportent le courrier. L'armée contrôle et fouille les voitures. Le convoi entre dans Madrid à la tombée du jour.

28:15 Aucune offensive franquiste n'a été déclenchée sur la capitale. C'était une fausse rumeur.

Pour info: le front est au bord de Madrid depuis le tout début de la guerre et n'en a pas bougé. L'offensive n'a pas cessé pendant toute la guerre. Madrid tombera en dernier, après Barcelone. Franco ne voyait pas d'inconvénient à tuer tous les Madrilènes à petit feu, il attend que la ville tombe comme un fruit mûr.

JOUR 7

28:28  Mais aucun quartier de la capitale n'est indemne. Même si Kessel ne voit rien, Madrid est sous le feu des canons et des mitrailleuses car la guerre est là à deux pas, les premières lignes traversent la ville. Là ce sont les lignes républicaines, là-bas, l'ennemi.

Le front longe à peu près le Manzanares, au Sud Est de la ville. Il n'a pas bougé depuis l'automne 36. Bombardements constants. Les Madrilènes vont au front en tram. Kessel ne voit rien?

28:56 La guerre est entrée dans les coeurs, une longue usure. Les ouvriers les carabiniers les fonctionnaires s'agitent, chacun à leur poste. (images de Madrid ) les poubelles ne restent jamais longtemps pleines elles sont vidées des la nuit tombée. Des femmes marchent des heures pour glaner un sac de vielles pommes de terre et dans les minutes qui suivent un bombardement elles se précipitent dans les décombres pour ramasser du bois. Une quête perpétuelle pour leur survie.

A noter que pour Kessel, toutes ces horreurs ne sont pas la "vraie" guerre. La "vraie" guerre, faut que ça ressemble à un western, autrement on s'ennuie...

29:38 Jeff part à la recherche d'un informateur dont on lui a donné l'adresse et c'est celle du Chicote le bar favori d'Hemingway (image de jardin public, bonnes d'enfants, bébés).

Chemin faisant le journaliste observe les madrilènes qui envahissent les trottoirs une population ni gaie ni triste s'étonne-t-il, une morne pauvreté, une austère discipline. La foule des cafés qui déborde, et là,  au milieu de ce chaos, des enfants jouent aux billes, les vieillards se réchauffent au soleil. Les femmes attendent, songeuses, pauvrement mais proprement vêtues, certaines poudrées fardées malgré les restrictions.

Mais il se croit où, là ? Nous sommes à Madrid, capitale. Les femmes se lavent et même se maquillent, oui. Ni plus ni moins que les Parisiennes, quoi. " Morne pauvreté, austère discipline ? " Condescendance.

30:47 Kessel n'a pas rejoint la clientèle de l'hotel Florida, c'est le quartier général des reporters et des intellectuels de Madrid. La chambre coute 1$ pour les plus exposées aux tirs et le triple pour les autres à l'abri des obus.

Jeff retrouve son élément naturel, les palaces.

220px-Sevilla2005July_01131:00 C'est au Ritz qu'il s'est installé, l'hotel où il a ses habitudes à Madrid, une chambre exposée au soleil c'est le seul chauffage disponible car le charbon et le bois manquent cruellement. Mais l'établissement n'est plus ce qu'il était. Le linge, les serviettes et les draps sont usés car trop frottés contre la pierre faute de savon. Des maitres d'hotel en livrée servent dans de l'argenterie des repas faits de lentilles fades et de morue desséchée à des prix prohibitifs  En revanche les caves du Ritz regorgent de champagne et ses notes de frais somptuaires lui autorisent tous les excès.

C'est à ne pas croire, le service n'est plus ce qu'il était ! Que deviendrait-on sans le champagne! C'est moi ou y a de l'obscénité dans l'air !

JOUR 8

31:56 Dès la tombée du jour Madrid vit, insouciante et sourde aux malheurs de la population. Theâtres et musichalls font salle comble plus par besoin de chaleur que pour le spectacle, où le mauvais vin de Màlaga. Les réservations sont obligatoires et les avant premières font recette.

Euh... Comment dire? Il la voit toujours pas, la guerre? Ah si! Les réservations sont obligatoires!

images-132:37 Le 1er novembre à 5 heures du soir Kessel assiste à la Zarzuela à l'opérette à succès Paris Minuit avec la Niña de los Peines et Conchita Muñoz  Ce soir là il a eu de la chance la chanson de AnaMari, la Shirley Temple espagnole, n'a pas été interrompue par les bombardements (à l'écran, des danseuses de revue en petite tenue)

Lorsqu'une chanteuse rencontre le succès, les hommes lui jettent des cigarettes sous le regard envieux de la salle. Plus qu'une poignée de dollars le tabac achète presque tout (cabaret, flamenco, encore des filles en petite tenue, des fois qu'on aurait pas compris ce que ça achète) A la sortie des théâtres la nuit enveloppe les spectateurs qui rentrent rapidement dans la pluie et le froid à leur logis sans feu, sans lumière, et sans pain. Des détonations ébranlent le ciel sans que les habitants sachent s'il s'agit d'une fête ou d'un bombardement ennemi.

Là, j'ai craqué. Fou rire. En pleine nuit, en plein black out, on entend des détonations, et là, le Madrilène, bombardé sans répit depuis plus de deux ans, se dit: est-ce une explosion ou y a quelqu'un qui fête son anniversaire? Mais bien sûûûûr !!!!

33:54 L'héroïsme, Kessel le rencontre dans les bureaux de l'agence de presse Havas, place des Cortes, à travers un photographe local qui dit s'appeler Juan Mayo. Sous cette signature se cachent plusieurs reporters, cinq frères, une agence à eux tout seuls. Ils ont photographié la guerre à Tolède, à Aranjuez, Teruel et à la Cité Universitaire à Madrid.

34:27 Juan Mayo vit l'appareil photo à la main, si elle tremble dit-il, la photo est ratée. Il raconte comment il a saisi l'image de ces trois garçons couchés à proximité d'un obus qui n'a pas éclaté 34:44 Ces photos feront la une de la presse internationale.

A chaque pas, lui dit Mayo, la mort est au rendez vous. Il l'entrevoit derrière chaque victime qu'il photographie. Il avoue sa peur mais sans fanfaronner, il dit que pour une belle photo il est prêt à tout. Désormais Juan est un photographe de guerre au chômage, car il ne se passe plus rien ( une infirmère s'occupe d'un blessé) 35:16 Un brin gêné, il montre à Jeff à quoi il en est réduit pour gagner sa vie (succession de photos d'une stripteaseuse, des pompons sur les tétons)

"Il ne se passe plus rien?" A Madrid, automne 38, il ne se passe plus rien? Il faut croire que quelque chose se passe si et seulement si ça touche Jeff. Au terme du huitième jour, il connait les bars, les boites, les théâtres, mais pas la guerre. Il ne se passe "rien".

JOUR 9

Unknown-235:25 Le lendemain matin, devant la Bibliothèque Nationale, Jean Moral le photographe croise des miliciens portant des tableaux de maitres, des tapisseries et des statues. Même, sous une couverture, se dissimule un Rubens. Kessel éprouve un véritable vertige devant ces richesses des faïences, de l'argenterie, des ciboires, un bric à brac de merveilles car si la ville meurt de faim la République ne mégote pas sur la protection de son patrimoine faite d'oeuvres d'art abandonnées dans des églises en ruines. Les experts en dressent l'inventaire et ensuite les restaurent. Ces trésors servent aussi de monnaie d'échange avec les trafiquants d'armes qui sévissent dans la ville.

Ici, Kessel pourrait rendre hommage à l'importance attachée par la République à la préservation du patrimoine artistique et culturel, à sa sauvegarde. Non. La République ne "mégote" pas. Comme si abandonner les trésors des musées allait favoriser l'approvisionnement de la ville.

36:35 Il est difficile pour Joseph Kessel de ne pas éprouver de l'amour envers ces ombres (?) la guerre n'est plus ce combat de paysans affamées en rébellion contre les propriétaires terriens avides et soutenus par le clergé. La guerre se partage entre soldats allemands et espagnols, entre fascistes et patriotes. Kessel sait de quel côté il est, bien qu'il ait tardé à s'engager mais il voit toute la colère de ces gens paisibles il découvre les profiteurs il voit la douleur des paysans massacrés à coups de matraques. Il voit un combat juste.

Les "ombres"? Encore une fois, ce sont des gens. Il ne les voit pas en tant que personnes, juste en tant qu'éléments du décor. La suite baigne dans l'opacité: la guerre n'est plus un combat de paysans affamés contre les propriétaires terriens? Si, elle l'a toujours été, et les paysans affamés méritent considération. Quant au partage entre soldats espagnols et allemands? Entre fascistes et patriotes? Ça ne veut rien dire. Sinon qu'il a choisi son camp, celui du "combat juste", sans qu'on sache trop ce que ça signifie, à moins que le but soit simplement de justifier ce qui suit.

37:13 Mais il n'oublie pas non plus ce jeune garçon fusillé par les Républicains ils avaient trouvé une médaille de la Vierge autour de son cou. Il n'en fallait pas plus pour l'accuser d'être franquiste. Le marché était le suivant: soit il reniait ses amis en les combattant soit il était fusillé. Il n'avait pas accepté le chantage et on l'avait exécuté. Républicains ou franquistes, Kessel a toujours préféré les hommes aux idées.

Comme plus haut pour les curés, en employant "Républicains" pour qualifier ceux qui se sont rendus coupables de l'exaction décrite, il fait porter à la République la responsabilité de ce qui est forcément le fait d'une bande de délinquants transgressant la loi. Ce type d'assassinat a existé, mais il était considéré comme un crime par les autorités républicaines. C'est du côté franquiste que l'assassinat fut une consigne venue d'en haut, de la hiérarchie militaire elle même.

37:53 Mais à Madrid tout comme à Barcelone, la guerre, la vraie, il ne la voit toujours pas. Il ne veut pas rentrer à Paris sans avoir vu le front il cherche une fin honorable pour son reportage. La guerre? "Prenez un ticket de tramway vous la verrez, la guerre", lui dit le commandant du secteur, un ancien boulanger de Valladolid. Le jour même Moral et lui sont acheminés à la Cité Universitaire, il leur faut traverser toute la ville. Les tranchées, les blockhaus, les nids de mitrailleuses, ressemblent à ceux de la guerre 14-18 et témoignent de la violence des affrontements. L'Institut de la Chimie, la Faculté de médecine sont entièrement détruits, un paysage de désolation.

Eh oui! Cette guerre si introuvable, c'est pas que ça le passionne mais ça assurerait une fin "honorable" à son reportage! Elle est bien au bout du tram, pas si sorcier, pas besoin d'informateur clandestin au Chicote !

frentemadrid

38:48 "Regardez la fumée là, au loin, chut, là, ce sont les premières lignes" lui dit à mi-voix le soldat planqué derrière son fusil "A 5 mètres de là se trouve le poste ennemi une trentaine des nôtres sont enterrés là-dessous" murmure un autre. Une odeur sucrée poisseuse et répugnante, celle d'un charnier.

39:27 Dans les souterrains reliant les différents bâtiments Kessel n'entend que les rires des combattants qui plaisantent et boivent en jouant aux dominos. Lui, il était coiffeur pour dames à Paris, chaque fin de semaine il retrouve femmes et enfants pour le weekend comme n'importe quel voyageur de commerce il lui suffit de prendre le tramway pour un ticket aller retour.

Au moment où il croit toucher au but, il est encore déçu! Le front est là, certes, le charnier émet un fumet déplaisant, mais ça joue au dominos! Ça rentre chez soi en tram comme un voyageur de commerce! Mais la guerre, la vraie, s'obstine à lui échapper! Le pauvre !

39:52 Kessel a le sentiment étrange que cette guerre n'a pas de ressemblance avec ce qu'il a connu il est loin l'héroïsme fait de soufre et de sueur qu'il espérait ( à l'image... Don Quichotte! ) Oubliés les portraits guerriers des gamins photographiés par Mayo ou celui d'une milicien de Robert Capa.

images-2"Héroïsme fait de soufre et de sueur", vous n'avez pas ça en magasin? Ou alors, du Don Quichotte ! Voilà! Donnez lui des moulins et des Rossinante, des Dulcinées et des cavalcades, merde, que ça ressemble à quelque chose! Que faisant rêver Jeff, ça fasse kiffer le lecteur, autrement comment voulez vous les intéresser à la guerre avec juste sa réalité ?

40:24 A défaut Kessel cherche des sujets pouvant sensibiliser les lecteurs de son journal. Des personnages du quotidien dans une ville assiégée, le spectacle de la rue, puisque la guerre se défile (une femme chante, des vieilles marchent sous leur parapluie).

Voir la guerre où elle est, dans le simple héroïsme quotidien de la population, pas son truc, à Jeffe. Celle qu'il veut, elle se défile, que voulez vous qu'il y fasse! Ça fait neuf jours qu'il est là et il ne voit toujours rien! Il passe aux grands moyens, bien obligé! Il va nous concocter de l'épopée sur mesure, aux petits oignons, façon Bizet, Mérimée. Ce qui va suivre fleure bon le folklore. L'Espagnol voyez vous, est ombrageux, fier, spontanément tragique. Le lecteur va en avoir pour son argent. C'est parti!

40:48 C'est dans un café de la place du Levant qu'il rencontre Ramon Ortega un matador franquiste que les Républicains avaient condamné à mort. Avant son exécution, on lui ordonna de combattre six beaux taureaux farouches aux arènes de Valence et n'ayant plus rien à perdre il a fait ce qu'on ne verrait jamais plus. Pour la beauté du geste, il a relevé le défi et pris tous les risques. Il a abattu les six taureaux Alors, on l'a gracié!

images-4Reconnaissant, il choisit de rester dans le camp républicain. À ce moment là, Carmen la cigarrière, une rose entre les dents, ferait le tour de l'arène au bras de son héros, non ? Elle est pas belle, l'histoire? Elle est pas finie!

De torero il est devenu chauffeur et Kessel l'engage pour le conduire dans Madrid pendant les quelques jours qu'il y passe. 

Voilà, un torero comme chauffeur, plus classe tu meurs!

41:31 Il s'attacha aussi à Juan un compositeur de musique un peu bohême qui un soir d'ivresse avait écrit l'hymne franquiste pour une pinte de bière. Depuis ce jour il vivait dans la honte d'avoir collaboré avec Franco. Alors il a arrêté de boire, raconte-t-il à Kessel, et il essaye de se racheter en composant les chants glorieux et entrainants des républicains espagnols et qui les conduisent au combat.

Écrit l'hymne franquiste? Composé les chants des républicains? On aimerait en savoir plus sur ce Juan, savoir de quel "hymne franquiste" on parle. Quand aux chants républicains, ils sont tous des chants populaires, déjà existant dont les paroles ont été changées... Mais ça, peut être que le lecteur s'en fout...

images42:27 C'est en voyant sortir des gens en larmes des locaux de la Croix Rouge Internationale qu'il imaginera une de ses plus belles histoires. Il saisit là l'angoisse des familles séparées par la guerre ces gens se trouvaient nus et désarmés dans l'attente des nouvelles d'un proche comme l'épouse d'un nobliau franquiste cherchant son mari arrêté par la police et un ouvrier 42:47  de Santander ayant perdu sa femme lors d'un bombardement. Unis dans leur détresse certains de ses malheureux ne savent pas même lire et ils redoutent la lettre qui leur annoncera un décès, un divorce ou une simple disparition. D'autres repartent sans rien et ce depuis plus de dix huit mois.

Une lettre de la Croix Rouge signalant un mort ou un blessé, oui. Une disparition? En temps de guerre? Comment vous dire...

43:09 Et c'est par le bureau de la Croix Rouge qu'il apprend l'histoire de ces deux frères, Parisiens de Belleville, enfants d'un ouvrier de chez Renault et d'une couturière et qui se battaient en Espagne. L'un, côté nationaliste dans la légion Jeanne d'Arc, et l'autre dans les Brigades Internationales. Ils s'étaient l'un et l'autre engagés dès le début de la guerre et leur mère en avait été déchirée. Après les violents combats pour la défense de Madrid, dans les batailles de Brunete, Guadalajara, et sur l'Ebre, ils s'étaient retrouvés par une facétie du destin, à combattre le même jour près de la Cité Universitaire de Madrid. Entre deux attaques, les deux s'interpelaient pour se demander des nouvelles de leur mère, puis à l'occasion d'un assaut plus violent ils s'insultaient dans le bruit et la fureur en argot parisien. Dans le combat qui les opposait les deux frères se battaient l'un contre l'autre avec acharnement. N'ont-ils jamais eu peur s'être responsables de la mort de l'autre?

On est romancier ou on ne l'est pas. Evidemment, des enfants de Belleville en frères ennemis, pour le lecteur parisien et bien avant Closer, ça arrache grave. En vrai, s'insulter de part et d'autre d'un front comme celui de Madrid, est aussi crédible que des douches dans les tranchées.

44:22 A la fin de la guerre, sidérés d'être encore en vie, les deux frères se retrouvent et pleurent tous les deux leur guerre perdue. Et c'est par la Croix Rouge Internationale que la mère apprendra que ses deux enfants ont survécu à la guerre.

"Leur" guerre perdue? Il y en a au moins un qui l'a gagnée, non? C'est ce genre de guerre, digne d'un sénat hollywoodien, qu'il est venu chercher. Et quand on cherche, on trouve!

JOUR 10

45:02 Le 5 novembre 1938, Kessel est invité à un banquet dans les salons de la maison centrale du secours, mais il choisit d'aller ailleurs, dans un vrai diner de marché noir, riche en promesses  de plats copieux bien loin des restrictions habituelles ( sirène d'alerte aérienne) Dès 8 heures du soir un premier bombardement à la tombée de la nuit, puis un autre deux heures plus tard, un chapelet de bombes s'abat sur la salle dans laquelle il aurait dû être 45:45 Le plafond s'effondre et l'air s'emplit de feu, de fumée, et de fragments d'acier. On relève une quarantaine de morts atrocement mutilés, parmi eux bon nombre de ses amis. Il devait être un des leurs ce soir là, et il en a réchappé. Le lendemain à l'aube il se rend sur les lieux du carnage, le sang macule le sol, les assiettes sont encore pleines des lentilles et des sardines du repas, une casquette abandonnée. Jean Moral fixe sur la pellicule ces images dramatiques.

Jeff laisse tomber ses potes pour se goberger avec les escrocs du marché noir, les affameurs, qu'il fustigeait plus haut. Il échappe ainsi au bombardement qui tuera les convives qu'il aurait dû rejoindre. Il est donc récompensé de sa conduite...

46:40. Il l'avait enfin, son image de la guerre. Sa dose d'émotion. Son adrénaline (image d'un bébé mort, enveloppé, un petit bras dépasse de l'emmaillotage)

Ben voilà. CQFD. La guerre ne lui apparait quand elle touche sa personne, même par ricochet. Pourtant les corps de ce bombardement là ne sont en rien différents des autres, de tous les autres.

46:57 Charognard, Kessel? Est-ce ce que pensent de lui ceux qui meurent en Espagne? Et les reportages qui font sa gloire ne sont-ils pas écrits avec le sang des victimes? (ruines, ruines, ruines.... alignements de cercueils, tête bêche pour prendre moins de place....)

Charognard ? Le mot est fort, trop. Je dirais plutôt saprophyte, posé sur la misère d'autrui pour alimenter sa créativité personnelle. Sans empathie. Avec un regard entomologiste. Il est d'une autre espèce. Il fait du tourisme, Jeff. Du tourisme haut de gamme. Il va visiter la guerre comme on va au parc d'attractions, attentif à la qualité des animations. Ce qui l'intéresse, c'est le mythe, la guerre comme expérience esthétique, sa propre personne comme héros d'une épopée. Les gens, le malheur, la justice? Il ne voit pas l'intérêt. C'est pourquoi il ne les voit pas.

47:31 Plus rien ne le retient à Madrid, alors ils partent le jour même vers Alicante, où Air France assure une liaison vers Toulouse. Mais les avions affichent complet. Kessel va trouver là matière à écrire son onzième et dernier article relatant la fuite de riches notables qui anticipent la chute de Madrid et la victoire de Franco.

Il méprise à juste titre ces riches profiteurs. Il est lui même prioritaire sur eux, sans états d'âme.

47:55 Grâce au chef d'escale, un ami de Mermoz du temps de l'Aéropostale, il embarque à la place de ces bourgeois qui s'affolent devant les guichets. De Toulouse Kessel rejoint Paris où il se terre pour recomposer son récit. Le 17 novembre 1938, le journal Match publiera les premières photos de Juan Moral, les textes de Joseph Kessel sont réservés en exclusivité à Paris Soir.

48:37 A partir de ces rencontres, Kessel propose une vérité qui n'est pas exactement la vérité mais ce qu'il écrit est plus fort que la vérité. Ces onze articles publiés le 27 novembre 1938 par Paris Soir donneront le reflet vrai d'une Espagne Républicaine agonisante, la fin prochaine du rêve espagnol. La guerre est à côté. (témoignage impartial, humain, dramatique)

Les papiers de Kessel, présentés comme "impartiaux" et "humains" ("dramatiques", aussi, mais ce mot là, on l'interprète comme on veut) participent donc dès 1938 à la fable qui prévaut encore aujourd'hui: il y a des exactions des deux côtés, les deux camps se valent. Non. Un camp a agressé l'autre, l'a martyrisé grâce aux nazis et a continué, une fois les nazis éliminés, à le martyriser pendant les 37 ans qui ont suivi. Joseph Kessel a apporté son obole à ce révisionnisme. Ça va mieux en le disant.

Kessel retourne à Madrid au mois de février 1939 la république espagnole s'effondre jour après jour la presse exige des phrases trempées dans le malheur et Kessel trouve les mots justes pour rendre compte du drame espagnol. La guerre a fait plus de 300 000 morts pour la moitié des civils. Autour des postes frontière des Pyrénées, tout une population s'engouffre en territoire français. La France et ses alliés apprennent ce qu'il en coute de ne pas avoir soutenu la République.

49:48 Plus de 300 000 prisonniers politiques vont peupler les prisons de Franco des milliers d'opposants seront encore exécutés par lui.

50:00 Nous sommes en février 1939, et dans quelques mois la Deuxième Guerre Mondiale éclate. (soldats nazis qui défilent).

Je suis tellement estomaquée par ce doc que je me renseigne plus avant sur Kessel. En 38 il était très de droite. Voilà pourquoi on imagine que pour lui, "patriotique", même employé à mauvais escient, est un mot positif. Gringoire, le journal qu'il a co-fondé, est classé à la droite extrême et sera pétainiste. Kessel, lui, sera gaulliste. Mais en 38, en Espagne, il distille ce qui deviendra et restera une grande manipulation. Qui a survécu parce que les franquistes ont gagné la guerre et ont pu dès lors imposer LEUR vérité, qui a pour caractéristique première de n'avoir qu'un rapport lointain avec les faits.

Kessel n'est pas un témoin. Un témoin pose un regard et le transmet. Kessel arrive avec dans la tête ce qu'il va trouver. Et comme il ne le trouve pas, il l'invente.

À l'origine même de la catastrophe, il y a l'agression d'une Armée contre son propre peuple. Considérer que les deux camps étaient équivalents c'est se rendre complice actif d'une manipulation historique. D'un mensonge. D'une trahison. Tant que la vérité ne sera pas connue des Espagnol-e-s d'aujourd'hui, cette trahison, qui a déjà fait tant de dégâts, se perpétuera.

PS: Le doc repasse le dimanche 6 mars à 1h45, sur Fr5....

 

05
Mar 16


La guerre en touriste


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Vincent - Le 02/04/2016 à 11:38

Ouchhh ! quel punch ! j’avoue avoir été bluffé par cette explication de texte ; j’ai même dû me l’imprimer et la lire à tête reposée pour bien en ressentir toute la substance. Ayant probablement le même pedigree familial que vous, j’ai été de même très intéressé à suivre ce documentaire, une première fois en direct et une seconde en replay ; comme vous, j’avais ressenti un drôle de malaise sur ce reportage censé être « favorable » à la République espagnole, avec un grand reporter que j’imaginais dans la lignée des Orwell et autres Koestler. Ceci dit, probablement moins fin observateur que vous, j’avais mis ce goût amer sur le compte de la doxa qui a envahi insidieusement et depuis longtemps notre subconscient par l’enfumage général consistant à mettre sur un même plan les 2 camps et les exactions qui ont existé de part et d’autre. Alors quand je suis tombé sur votre message et après l’avoir lu en détail, j’ai trouvé ce décorticage du reportage rudement bien fait ; sûr que cette explication de texte serait digne d’être enseignée au collège pour montrer aux élèves comment on peut regarder un reportage ou lire un texte tout en analysant image par image, mot par mot, phrase par phrase, certaines vérités ou contre-vérités, amalgames, clichés et autres poncifs pour en trahir le contenu et le sens, voire rétablir une autre lecture ! Même si je dois admettre qu’on peut vous trouver quelque peu excessive en allant à l’extrême dans cette contre-analyse du reportage ; mais c’est probablement lié à la nature de votre caractère, passionné et entier. En tout cas, grand merci à vous pour cette belle leçon que je recommande à tous et que je garde dans mes références personnelles! Bravo aussi pour vos magnifiques livres, réels ou romancés, sur votre famille notamment que j’ai lus avec beaucoup de plaisir et d’émotion ; Abrazo fraternal ! Vincent

Isabelle Alonso - Le 04/04/2016 à 09:27

Merci pour votre enthousiasme! Quelque chose me turlupine: vous dites me trouver "excessive" dans certains aspects de mon analyse. Lesquels?

Vincent - Le 06/04/2016 à 14:47

merci de votre réponse, je ne m'y attendais pas! sur le commentaire en question, en fait je n'exprimais pas vraiment une réflexion personnelle mais j’imaginais le jugement de certains (probablement des gens pas marqués par l’histoire tragique de la république espagnole) considérant votre analyse contradictoire du reportage comme poussée à l’extrême. En fait, je n’ai pas d’exemple précis à vous citer (sic! Faudrait trouver un opposant plus critique) mais ce sentiment que j’ai pu ressentir (pour autrui) est dû (et c’est tout à l’honneur de votre travail de décorticage du reportage!) à la profondeur de votre analyse et la richesse des arguments et contre-arguments que vous y avez apportés. Soyez rassurée, votre travail est pour moi superbe!

Isabelle Alonso - Le 06/04/2016 à 14:53

Me voilà soulagée! Merci, ça m'encourage!





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