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Florence Aubenas

 

Aujourd’hui 24 janvier 2005, cela fait dix neuf jours que Florence Aubenas a disparu en Irak, avec son guide Hussein Hanoun al-Saadi.


Dix neuf jours qu’on espère qu’elle s’en sorte comme Georges Malbrunot et Christian Chesnot, c’est à dire vivante et en bonne santé. Et plus rapidement.


Dix neuf jours que je fais mienne la célèbre phrase de Voltaire "Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dîtes mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire".


Il se trouve qu’au printemps 2000, j’ai été, en tant que présidente de l’Association “ Chiennes de garde ”, interviewée, assez longuement, assez précisément, par Florence Aubenas. J’avais parlé, expliqué, essayé, sans trop de succès, de plaisanter. J’étais sincère et enthousiaste, je la sentais réticente et lointaine.


Le résultat fut une double page dans Libé, qui me consterna. Le ton général de l’article était hostile, méprisant. Mes propos déformés. Des détails inventés. Je me sentis trahie, en but à une animosité dont je ne comprenais pas les raisons. Une jeune femme comme Florence Aubenas n’avait-elle pas toutes les raisons du monde d’être solidaire avec les féministes d’aujourd’hui ?


N’ayant jamais réussi à faire passer un droit de réponse dans Libé, je répondis vertement à cet article par quelques lignes de mon essai “ Pourquoi je suis Chienne de garde ” publié quelques mois plus tard.


Autant vous dire que Florence Aubenas ne figure pas dans les “ féministes friendly ”. Je ne suis pas d’accord avec elle. Elle n’est pas d’accord avec moi. Mais elle a le droit de s’exprimer. Et moi aussi. C’est la base de tout débat. C’est le minimum du respect qu’on se doit les uns aux autres.


Il faut qu’elle revienne. Qu’elle soit là. Qu’on s’engueule. Qu’on se balance des arguments à travers la figure. Qu’on expose nos idées à la critique. Qu’on polémique à perte de vue si ça nous chante. Qu’on s’énerve. Ou pas. Qu’on s’ignore, éventuellement. Qu’on fasse comme on veut. Qu’on soit libre de d’informer, de s’exprimer, de mettre ses convictions à l’épreuve de la contradiction.


Je ne crains pas de confronter mes idées à celles des autres. Ni à la critique. Ni à l’analyse. C’est même ce qui me permet d’avancer. Si je craignais cette confrontation, c’est que mes idées ne résistent pas à l’examen. De telles idées ne m’intéresseraient pas. Les idées au nom desquelles on kidnappe, on baillonne, on emprisonne, on tue, ne sont pas des idées. Ce sont des prétextes à la barbarie.


La démocratie, ce n’est pas juste un mot creux et vague pour décorer les discours officiels. C’est d’abord une pratique quotidienne du respect des autres. Et de la solidarité avec celles et ceux qu’on veut faire taire.


Rendez nous Florence Aubenas.


iA

06
Jan 05


Florence Aubenas


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